Depuis le 1er janvier 2018, un nouveau décret concernant les avis en ligne est appliqué en France.
La presse regorge de titre plus ou moins racoleurs à ce propos.
LSA => Avis en ligne : un décret oblige les sites à plus de transparence
Génération NT => Faux avis en ligne : un décret (qui ne sert pas à grand-chose) entre en vigueur en France
LCI => Les avis de consommateurs en ligne sont plus encadrés depuis le 1er janvier : la chasse aux bidonnages est lancée
Challenges.fr => La guerre contre les faux avis de consommateurs sur Internet est lancée
ladepeche.fr => Hôtels, restaurants : une loi fait la guerre aux faux avis
La Croix => Vente en ligne, une loi pour tordre le cou aux faux commentaires
Bref, à lire les titres (de toute façon plus personne ne lit le contenu, on ne lit plus que les titres et chapô), on a l’impression que ce décret va mettre fin au trafic d’influence sur internet, va mettre fin aux faux avis.
De quoi s’agit il ?
On parle du décret N° 2017-1436 du 29 septembre 2017, publié au journal officiel le 5 octobre 2017 avec une date d’application au 1er janvier 2018.
C’est un décret relatif aux obligations d’information relatives aux avis en ligne de consommateurs.
Bon, ben déjà là, la messe est dite. C’est un décret concernant les obligations d’information. C’est un décret qui dit qu’il faut mieux informer les lecteurs des avis en ligne sur leur provenance et méthodes de récolte…. Et c’est ça qui va révolutionner le dépôt d’avis sur internet ?
Mais en détail ?
Oui, ok, ça porte sur l’information, mais concrètement, en détail, de quoi s’agit il ?
Qui: ce décret concerne toute personne physique ou morale qui traite des avis clients en ligne, que cela soit de la collecte, de la modération ou de la restitution (les 3 grands piliers de la norme AFNOR).
Quoi: Cela concerne les avis clients en ligne, c’est-à-dire l’expression de l’opinion d’un consommateur sur son expérience de consommation. Cela peut être une note (quantitatif) ou un récit (qualitatif).
Le rédacteur : Il n’a pas besoin d’avoir acheté le produit/service pour être consommateur (on peut exprimer son opinion sans être client).
Contenu: le décret stipule que les gestionnaires doivent faire apparaitre de manière claire et visible :
– l’existence ou non d’une procédure de contrôle des avis
– la date de publication ainsi que la date d’expérience (que faire si il n’y a pas d’expérience écrite)
– les critères de classement avec obligatoirement un classement chronologique
– l’existence d’une contrepartie en échange de l’avis (peut être dans une autre section, mais facilement accessible)
– indication du délai maximum de publication et de conservation de l’avis (peut être dans une autre section, mais facilement accessible)
Contrôle : si le gestionnaire exerce un contrôle sur les avis, alors il faut indiquer :
– les caractéristiques du contrôle
– la possibilité de contacter le rédacteur de l’avis
– la possibilité de modifier un avis (pour le rédacteur ?)
– les motifs de refus en cas de rejet d’un avis
Si j’ai bien compris :
1. C’est un décret de la République Française. TripAdvisor, par exemple, n’a pas d’adresse en France, vont-ils être soumis à ce décret ? Il faudrait rapidement en faire une déclinaison européenne, ça aurait plus de sens, plus de portée.
2. Booking à une adresse en France, ils sont donc à priori soumis à ce décret. Sur Booking on ne peut pas contacter le rédacteur, s’ils appliquent le décret, ça va être une vraie évolution positive.
3. De nombreuses plateformes donnent la date comme « il y a 3 semaines », si le décret, qui ne défini pas ce qu’est une date, permet d’avoir une « vraie » date de dépôt ou de consommation, alors c’est bien.
4. Ce décret s’applique à vos partenaires ORM (notre lexique), est ce que Guest Suite, Customer Alliance, Qualitelis, Fairguest appliquent déjà ce décret… je n’ai pas l’impression. Il va falloir refaire tous les widgets et apporter quelques modifications à l’interface de restitution.
5. Dans le cas d’un établissement utilisant le widget TripAdvsior pour diffuser ses avis sur son site. L’opérateur est le gérant de l’établissement qui utilise une technologie (le widget tripadvisor) qui ne répond pas à la législation (du moins pour l’instant). La responsabilité de l’établissement est engagée, faites gaffe à vos widget…
6. Il n’est pas nécessaire d’avoir acheté le produit/service pour être consommateur (art. D 111-16). Que c’est maladroit, je ne sais pas comment interpréter cette phrase. Ont-ils voulu dire que si quelqu’un m’offre un produit/service je peux déposer un avis (je ne l’ai pas acheté, mais j’ai consommé), je ne vois que ça, je ne peux pas concevoir qu’il soit possible d’être consommateur/rédacteur sans avoir vécu l’expérience…
7. Ambiguïté. Comme souvent les textes législatifs sont ambigus, du moins pour moi qui n’ai pas un bagage légal, mais la loi doit être compréhensible par tous, sinon, elle ne peut pas être appliquée.
L’article D. 111-16 précise que « les recommandations par des utilisateurs d’avis en ligne » « ne sont pas considérés comme des avis en ligne » … ha bon ? on fait quoi alors ?
En conclusion
Ce n’est pas une révolution, mais c’est un pas en avant. Si les plateformes appliquent ce décret, alors il y aura une meilleure transparence de l’information à propos des avis. Cela va certainement participer à éduquer le consommateur sur l’interprétation et l’usage qu’il fait des avis. Cela devrait aussi faire chuter le nombre d’avis ayant un incident, recensé régulièrement par la DGCCRF.
Dans le secteur touristique, nous avons 4 grosses plateformes qui ont une dimension mondiale : Booking, Facebook, TripAdvisor, Google My Business. Lesquelles vont appliquer ce décret et changer leur process et leur transparence. On se souvient qu’aucune de ces plateformes n’a appliqué la norme AFNOR sur les avis en ligne.
C’est peut-être une opportunité pour des plateformes « vertueuses » d’afficher plus de transparence et de prendre quelques parts de marché aux géants (non, n’y croyez pas un seul instant).
Ça va demander une modification de process (récolte, modération, diffusion) de nos start-ups françaises liées à la e-réputation (Qualitelis, Fairguest et les autres).
Les gérants d’établissements sont responsables des avis qu’ils récoltent, diffusent sur leur site, que cela soit en direct ou en utilisant un tiers de confiance. Si j’étais vous, je commencerais par enlever mon widget TripAdvisor tant qu’ils n’appliquent pas le décret et je demanderais à mon ORM comment faire pour être en règle.
Thomas Yung
My Hotel Réputation